Corona-isolement

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Je reçois des courriels en grand nombre, des appels à conversations et vidéo-conférences. Au supermarché, les gens semblent pressés par une hâte anxieuse. Quand je suis dehors, je les vois prendre des courbes pour s’éviter les uns les autres. Dans ma tête, tout continue à bouillonner. Entre-temps, le JRS essaie de poursuivre son travail, tandis que les membres de l’équipe transforment peu à peu leur mode de vie. S’occuper des enfants, se réjouir des libérations opérées dans tous les centres fermés, envoyer une petite vidéo à l’institutrice et plaider pour un accueil d’urgence en faveur des personnes libérées….

Mais à l’extérieur, la machine s’est arrêtée de tourner. Les autoroutes sont désertes, les petites routes sont encombrées de vélos. A la vitrine du magasin du coin qui vend des vêtements pour enfants, on peut lire "fermé à cause du coronavirus" et "restez chez vous". En précisant que nous pouvons toujours passer nos commandes via Internet.

Maintenant que toute la population est pratiquement confinée, il est mis fin à l’enfermement de nombreux sans-papiers. Cette mesure m’apparaît comme une leçon d’empathie. Rendre visite pendant des années à des personnes détenues permet certes de comprendre ce qu’elles ressentent pendant leur enfermement. On peut ainsi être témoin de leur indignation, de leur impuissance, comme de leurs actes courageux d’entraide et d’humanité. Mais le fait d’être soi-même séparé de sa famille, de ses amis et connaissances pendant un certain temps permet de prendre une meilleure conscience de ce qu’est réellement l’isolement.

Après quelques semaines de confinement, on commence à comprendre un peu ce qu’est exactement une catastrophe. Toutes ces petites roues qui tournaient si merveilleusement bien dans la machine d’hier ont cessé de bouger aujourd’hui. Bien sûr, nous fabriquons le plus vite possible une nouvelle machine. Ce travail nécessite de la créativité et des sacrifices. Mais on y trouve aussi beaucoup de beauté. Ainsi, la direction des centres fermés a répondu très rapidement à notre demande d’apposer dans les locaux du centre des affiches avec les photos et les numéros de téléphone des visiteurs. La fermeture des frontières implique également de mettre un terme aux expulsions forcées. Et à côté de l’autoroute, un pinson gazouille joyeusement.

"Déposez une tête de mort sur votre table de travail", a dit un philosophe célèbre. En gardant à l’esprit la finitude de sa propre vie, ne commence-t-on pas, en effet, à penser à l’essentiel ? Dès lors, cette crise du coronavirus serait-elle le crâne qui trône sur l’établi de notre société ?

Dennis Van Vossel
Responsable de communication