’Je suis étrangère avec les étrangers’

Le JRS Portugal travaille à Porto d’une façon tout à fait spéciale. Non seulement les membres de l’équipe fournissent un soutien social aux personnes détenues dans le centre fermé, mais ils ont aussi leurs bureaux à l’intérieur du centre, ils organisent des activités et assurent la coordination des visites effectuées par les autres ONG. Ils travaillent à proximité de la police des étrangers et de la firme privée de sécurité. Le JRS Portugal travaille également avec des personnes bénévoles. Parmi elles, Gail Aguiar est présente chaque semaine dans le centre fermé de Porto. Elle raconte :

’Je m’appelle Gail Aguiar. J’ai la nationalité canadienne mais je suis originaire des Philippines. Je vis au Portugal depuis 2013 et je suis mariée à un Portugais. Peu de temps après notre mariage aux Açores, je suis venue au Portugal.

Mon mari et moi, avant de nous marier, nous avons fait du bénévolat pendant un bon bout de temps chacun dans notre propre pays. Lorsque nous nous sommes installés au Portugal, nous avons cherché la possibilité de nous joindre à un groupe de bénévoles. En 2015, nous avons commencé du volontariat au centre de détention pour les immigrés de Porto. Ce centre est géré par la SEF (Serviço de Estrangeiros e Fronteiras, une sorte de police des étrangers, donc), mais dont le service social est coordonné par le JRS Portugal. PNG - 1.1 Mio

Le groupe de bénévoles organise toutes sortes d’activités (sports, artisanat, groupes de discussion...) dans le centre de détention. Au cours de mes années de bénévolat, j’ai rencontré des centaines de personnes dans des situations très différentes. Ce sont la plupart du temps des jeunes célibataires soumis à un stress immense. Ajoutez à cela les problèmes de santé, les barrières linguistiques, la peur, la présence constante du personnel de sécurité, le manque de soutien, le manque d’argent et la privation de liberté. Multipliez tout ça par le très grand nombre de personnes dans le centre et vous comprendrez vite pourquoi le groupe de bénévoles est en pénurie chronique de personnel.

La réponse humaine à l’adversité est aussi variée que ses causes. Certains détenus ont développé une aptitude à faire face à leur situation. D’autres trouvent les facteurs de stress trop lourds à porter. Les bénévoles doivent apprendre à déchiffrer leur visage et leur langage corporel plutôt que de leur poser toujours des questions - quand ils aboutissent au centre de détention, ils en ont déjà plus qu’assez d’avoir enduré des interrogatoires. Il est de notre devoir de savoir comment nous pouvons nous mettre à leur service sans alourdir leur charge émotionnelle. Cela prend du temps, du dévouement et de la motivation.

D’autre part, là où le défi est le plus grand, là se trouve aussi l’aspect le plus valorisant de notre engagement. Alléger une atmosphère lourde est plus facile à dire qu’à faire. Savoir comment enthousiasmer un groupe de personnes aussi diverses, cela s’apprend. Si nous parvenons à créer une bonne dynamique et une énergie positive, alors peut naître un sentiment bienfaisant.

Après environ six mois de volontariat, j’ai commencé à faire mes visites toute seule, au rythme d’une fois par semaine. A un moment donné, j’ai trouvé que les échanges étaient plus faciles. Quand les détenus ont appris que j’étais Canadienne, de nouvelles questions sont venues sur le tapis. Comme je suis d’un teint différent de la plupart des gens en Europe, je ne fais pas tache dans le centre. Ce qui donne un sentiment de solidarité et de camaraderie avec les détenus, parce que je suis une étrangère parmi les étrangers.

J’invite ici tous les bureaux européens du JRS à recruter parmi les minorités visibles. Ces personnes peuvent faire la différence en détention simplement parce qu’elles gagnent plus facilement la confiance des détenus. Ma propre origine ethnique, mon histoire d’immigration et mes expériences de voyage renforcent ma motivation à aider d’autres migrants qui proviennent des pays du Sud. ’

Griet Demeestere
visiteuse accréditée