L’enfermement des Palestiniens

Où donc les réfugiés sont-ils encore bienvenus ?

Un triste lieu de vacances

Le soleil brille et les gens jouent au volley-ball. Ils traînent autour du banc de pique-nique et s’agitent gentiment. Mais le grand inconvénient de cet endroit de vacances est que les pensionnaires ne peuvent pas le quitter. Ce qui fait que l’ambiance n’y est pas paisible et joyeuse, mais plutôt anxieuse et stressante.

Le 2 juillet 2019, il y avait 27 Palestiniens enfermés dans le centre de détention Caricole. La toute grosse majorité provenait de Gaza, cette petite bande de terre cernée par le désert du Sinaï, la Mer Méditerranée et l’Etat d’Israël. Dans le centre fermé, ils ont toute une aile pour eux et ils ont tous demandé l’asile. Ils sont pressés de venir vers nous pour nous raconter leur histoire et nous montrer, qui ses cicatrices, qui les photos de sa maison en ruines, qui encore une copie de sa convocation à un interrogatoire…

Témoignages de Gaza

Les personnes qui participent à une manifestation à Gaza sont, d’après leurs dires, interrogées par le Hamas, menacées et frappées. Entre-temps Israël instaure un blocus frontalier, ce qui occasionne des escarmouches ici et là. Les explications des Gazaouis avec lesquels j’ai une bonne relation de confiance depuis septembre se confirment et se complètent mutuellement.

On tourne en rond

Le Commissariat général aux réfugiés et aux apatrides (CGRA) est l’organe qui décide si un demandeur d’asile peut être reconnu comme réfugié. Jusqu’en décembre 2018, le statut de réfugié était reconnu à un bon pourcentage de Palestiniens. En décembre dernier, le CGRA a révisé sa politique : ‘La situation à Gaza est toujours précaire et problématique pour beaucoup d’entre eux, mais pas pour tous. Dès lors, il est nécessaire d’examiner en détail chaque demande d’asile sur la base de ses éléments constitutifs propres’.

Celui qui lit cette dernière phrase a l’impression que la plupart des Palestiniens recevront une décision positive de reconnaissance et que les quelques individus qui seraient réellement en sécurité à Gaza en recevront une négative. En pratique cependant, c’est une minorité de Palestiniens qui sont reconnus comme réfugiés (en mai 2019, ils ne sont plus que 37 %, alors qu’en 2018, ils étaient encore reconnus à 87 %). Les autres sont soi-disant en sûreté.

J’ai tout de même de la peine à le croire, et ce pour plusieurs raisons. La frontière entre Gaza et le désert du Sinaï, que les Gazaouis doivent franchir pour se rendre en Egypte, est souvent fermée. Cette fermeture, non seulement rend très difficile le retour vers Gaza, mais en outre, l’attente à la frontière pendant des jours entiers est également inhumaine. Et encore : des groupes terroristes sont actifs dans le désert du Sinaï. En outre un modèle de violence constante s’impose dans la région, à cause, aussi bien de la prise de pouvoir par le Hamas que du blocus israélien. La situation à Gaza est donc si sérieuse que, presque par définition, les gens y sont en danger.

Een militaire controlepost in Ramallah, Palestina

Les décisions rendues par le CGRA sont souvent réformées par la juridiction d’appel qu’est le Conseil du contentieux des étrangers (CCE). Parce que le CGRA persiste dans son idée que Gaza est une terre sûre pour la plus grande partie de sa population, bien des gens tombent tout droit dans un vrai carrousel :

  • A leur arrivée en Belgique, ils sont arrêtés ;
  • Ils reçoivent ensuite une décision négative du CGRA ;
  • Puis le CCE réforme cette décision ;
  • Le CGRA mène une nouvelle enquête ;
  • Ils sont libérés parce détenus depuis trop longtemps déjà ;
  • Parfois, le CGRA s’adresse à une juridiction encore supérieure pour faire annuler la décision prise par le CCE.

Cent jours de patience

Entre-temps, la vie du ‘résident’ en centre fermé s’est arrêtée. Chez certains d’entre eux, l’attente dure plus de cent jours. Or ces gens ne demanderaient pas mieux que de poursuivre leur vie le plus tôt possible, en étudiant, en travaillant, en apprenant le néerlandais ou le français…Les demandeurs d’asile ne sont sans doute pas les seules personnes à se retrouver perdues dans une longue bataille procédurale. Mais ils sont les seuls à rester enfermés pendant des mois, sans procès et sans intervention obligatoire d’un juge, durant tout le temps que dure la procédure. Or les gens ne devraient pas être la victime d’une différence d’opinion entre les institutions publiques.

Dernière nouvelle

La situation angoissante des Palestiniens de Gaza s’est considérablement améliorée depuis la fin du mois de juillet. Le groupe a été libéré (à l’exception de deux personnes). Ils restent incertains quant à leur statut en Belgique, mais au moins sont-ils en liberté. Je suis bien sûr heureux de cette tournure des événements, mais elle confirme mon constat que ces personnes ont été enfermées inutilement pendant des mois.

Dennis Van Vossel
visiteur accrédité