Apprendre à pardonner

Une fois par an, les visiteurs des centres fermés de tous les bureaux européens du JRS se réunissent dans ce qu’on appelle le Detention Visitors Support Group (DVSG). Cette année, la rencontre – déjà la trentième du genre – a eu lieu à Porto, du 2 au 4 juin. Pour moi, c’était la troisième fois d’affilée que je pouvais y participer. C’était donc une heureuse occasion de revoir les collègues de Roumanie, d’Espagne, du Luxembourg et du Royaume Uni.

Le thème de cette année était la résilience, la capacité de traverser l’épreuve, donc. Nos collègues nous ont expliqué le modèle REACH de Worthington, qu’ils utilisent comme méthode de travail avec les réfugiés. En bref, il s’agit d’un plan qui achemine, pas à pas, vers le pardon. Il se parcourt en cinq étapes :

Rappeler la blessure

La première étape consiste à revenir sur la souffrance subie, avec la douleur et l’émotion qui l’accompagnent. On doit effectivement garder sous les yeux ce qui s’est passé. C’est l’étape la plus importante mais aussi la plus difficile. Il s’agit d’un travail pénible parce que toutes sortes de sentiments sont à nouveau vécus.

Entrer en attitude compréhensive envers l’auteur

Dans la deuxième étape, on accorde l’attention à la personne qui a provoqué cette peine. Qui est-il, qui est-elle, finalement ? Comment se présentait la situation avant que ça n’arrive ? De cette façon, les sentiments hostiles à l’encontre de l’auteur sont placés davantage dans une lumière qui cherche à comprendre.

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Accéder au don à autrui

Dans le pardon, il est question de don. C’est un acte désintéressé. Il est important de se rendre compte que l’on n’est pas seulement une victime, mais aussi un auteur. Nous devons réaliser que, nous-mêmes aussi, nous avons quelquefois reçu le pardon ou que nous le recevrons à l’avenir. Le pardon ne peut, pour cette raison, être imposé comme une exigence, ce qui serait de nouveau un acte de ‘violence’. Le pardon est gratuit ; celui qui le donne ne doit rien en recevoir en retour. Si c’était le cas, ce ne serait plus vraiment un pardon. La personne qui pardonne se défait littéralement d’une charge que les deux parties éprouvaient comme un poids spirituel.

Communiquer le pardon

Il est important d’exprimer ouvertement le pardon. L’opération peut se faire en l’écrivant pour soi-même ou en s’expliquant là-dessus avec la personne concernée. Par-là peut commencer une démarche de réconciliation, orientée vers le rétablissement des relations.

Habiter le pardon

A plus long terme, la relation risque d’être encore mise sous pression. La victime peut avoir été marquée à vie par ce qui s’est passé. Le danger est alors qu’on se retrouve de nouveau dans une situation où les émotions reprennent le dessus. Peut-être le processus doit-il alors être repris.

Nous avons eu l’occasion de nous entraîner brièvement à cet exercice et nous avons pu constater que cette voie n’est pas évidente, en tout cas pas avec les réfugiés détenus en centre fermé. Mais le modèle nous a donné quelques encouragements à parler du pardon.

Ensuite, le JRS Europe a mené une séance autour de l’advocacy (plaidoyer), plus précisément sur le thème des alternatives à la détention. En effet, les ONGs – en Belgique également – veulent développer des solutions alternatives pour réduire, voire supprimer, la détention des réfugiés, conformément à la Directive Retour.

Nous avons pu aussi visiter le centre de détention de Porto. Il s’agit d’un petit centre organisé par le gouvernement avec l’aide d’une firme externe de surveillance. Là-bas, contrairement à ce qui se passe en Belgique, c’est le JRS Portugal qui gère le service social et qui coordonne l’aide médicale de Médecins du monde.

Pendant la rencontre, nous avons également échangé en petits groupes internationaux sur différents thèmes : ‘femmes en détention’, ‘monitoring’ et ‘familles en détention’. Quoique nous travaillons dans des pays différents, nous avons très vite trouvé des points d’entente entre nous pour mener une bonne discussion. Puisque nous travaillons tous avec des réfugiés détenus, ce point commun crée rapidement un lien étroit. Il est clair qu’en Europe, les gouvernements mènent une politique migratoire toujours plus dure.

Griet Demeestere
visiteuse accréditée