Thierry, réfugié en Belgique puis chassé de notre pays…

Thierry, 27 ans, commençait tout doucement à se sentir chez lui dans notre pays quand on l’a arrêté et enfermé au Centre de Vottem. C’est là qu’Aude et Nicolas, visiteurs du JRS l’ont accompagné au cours de sa détention. Thierry a ensuite été rapatrié sous escorte policière au Sénégal mais le Sénégal n’en a pas voulu et Thierry a dû réintégrer son Centre fermé. On lui a alors intimé l’ordre de quitter le territoire belge. Et il est parti se réfugier en Suède. Récit d’une odyssée pas toujours facile…

Thierry - Photo : Nicolas Oldenhove

Thierry, pourquoi as-tu voulu quitter le pays de ton enfance ?
Le pays où je suis né, c’est le Sénégal, mais je n’y ai que très peu vécu. Mes parents ont divorcé peu de temps après ma naissance. Je n’ai jamais connu mon père. À l’âge d’un an, je suis parti vivre au Gabon, à Libreville, avec ma mère. Le Gabon est donc davantage mon pays d’enfance, mais je n’en garde pas un bon souvenir. J’y ai été tout un temps confié à des gens qui me maltraitaient et j’ai voulu m’enfuir.

Pourquoi as-tu voulu venir en Belgique ?
Je n’ai pas choisi la Belgique. Je ne pouvais même pas rêver que je viendrais y vivre un jour. Alors, si j’y suis parvenu et si j’y ai vécu, je pense que c’est la Belgique qui m’a adopté. Ou plutôt je le pensais jusqu’au jour où elle m’a brutalement chassé de son territoire…

Le centre fermé de Vottem - Photo : Nicolas Oldenhove

Comment as-tu ressenti ton arrestation et ton enfermement à Vottem ?
Mon arrestation ne m’a pas parue anormale. Etant « sans-papiers », je m’attendais à ce qu’un jour je me fasse arrêter pour cette raison. Ne sachant pas où me renseigner pour me faire régulariser, je voyais mon arrestation comme une occasion de faire les démarches nécessaires pour me mettre en ordre. Ceux qui au départ, m’avaient hébergé un mois, ne m’avaient pas dit les risques que je courais. Après quoi, ils m’ont mis à la porte de chez eux sans véritable raison, prétextant que si j’introduisais ma demande d’asile, la Police viendrait me chercher chez eux et que cela leur causerait des ennuis. Alors je me suis retrouvé à la rue et je ne trouvais pas d’immeuble à squatter. La Police, elle, m’a bien trouvé et m’a mis en centre fermé pendant quatre mois.

Comment as-tu pu tenir le coup ?
Je suis quelqu’un d’optimiste. Je ne me laisse pas abattre facilement. Ma foi me soutient aussi. Je me dis toujours que ce qui m’arrive, c’est mon destin et que nul ne peut échapper à son destin. Cette pensée me donne de la force. N’empêche que cette période d’enfermement a été le pire cauchemar de ma vie. Les autorités belges ont tout fait pour me renvoyer en Afrique. Mais ni le Sénégal ni le Gabon n’ont voulu de moi. Et quand la Belgique m’a finalement libéré, elle m’a donné vingt-quatre heures pour quitter son territoire ! Pour respecter cet ordre, j’ai à nouveau dû m’enfuir, mais vers où ? Ne le sachant trop, je me suis retrouvé à Norrköping en Suède, où j’ai introduit une demande d’asile, avec l’espoir d’y parachever ma formation en informatique. Et ma demande y a été jugée recevable…

Ouf ! Alors tu te vois maintenant faire ta vie en Suède ?
Même pas ! Après quelques semaines ici, et tout l’effort investi pour m’installer, me loger, apprendre un peu la langue, faire suivre mes 30 kgs de bagage, bref pour y faire enfin mon trou, je viens de me faire à nouveau arrêter – et enfermer – par la Police, qui m’annonce mon renvoi vers la Belgique, en vertu du règlement « Dublin ». Et j’ai peur d’y être à nouveau enfermé…

Interview Skype par Nicolas OLDENHOVE