Jörg Gebhard sur la détention

Faire valoir les droits des exclus est une constante dans le parcours professionnel de Jörg Gebhard, le nouveau directeur du JRS Belgium. Que ce soit auprès d’organisations pour la défense des droits humains comme le centre pour l’égalité des chances Unia et l’Agence des droits fondamentaux de l’Union européenne (FRA) ou au sein d’organisations de la société civile comme le centre d’intégration Foyer et Vluchtelingenwerk Vlaanderen, à chaque fois il a défendu les droits des personnes qui sont mises dans des cases, au sens propre comme au figuré. Ses antécédents et son expérience vont être d’un grand soutien pour relever et mettre en perspective les défis auxquels le JRS est confronté. Jörg a lui-même décrit son retour au JRS comme « un peu revenir à la maison ».

Le coeur et la force de notre mission – cheminer ensemble avec dignité et respect mutuel – ont touché Jörg en plein coeur, dès la première rencontre du JRS Belgium, . Vous lire combien notre approche ne l’a jamais quitté dans son témoignage, qu’il a rédigé sans même savoir que le JRS Belgium chercherait une nouvelle direction.

© Benoit Lannoo

« Un centre fermé pour migrants est un lieu où se croisent plein de malheurs, et de morceaux de rêves non réalisés, dans un environnement carcéral des plus pénibles. La première fois que j’ai visité un tel endroit en Belgique, c’était en 2008 avec des visiteurs du JRS Belgium. J’y ai vu des larmes. J’y ai entendu des histoires personnelles déchirantes et des demandes d’aide auxquelles ni moi ni les visiteurs du JRS ne pouvaient répondre. Mais j’ai aussi rencontré chez les visiteurs du JRS de la chaleur humaine, des oreilles et des cœurs ouverts. J’ai rencontré ce qui m’avait souvent manqué ailleurs : une vision soutenue par une dynamique spirituelle. Plus tard j’ai moi-même travaillé pour le JRS Belgium et je suis plein de gratitude pour cette expérience : il a fait le choix d’aller où personne d’autre ne va, où il est difficile d’améliorer les conditions de vie et où on ne doit attendre aucune reconnaissance de la part de l’opinion publique. Les visiteurs du JRS Belgium rencontrent des migrants dont les rêves ne se sont pas réalisés. Ils les rencontrent au moment où une perspective qui pour beaucoup d’entre eux était impensable ou insupportable devient réelle : celle du retour vers le malheur auquel ils avaient tenté d’échapper. Dans ces moments obscurs, le JRS Belgium est présent, prêt à accompagner ces personnes dans leur tristesse et leur fatigue. Vous n’êtes pas seul, nous vous portons, nous vous guidons. Ce n’est pas une tâche facile que le JRS Belgium demande à ses visiteurs. Je chéris ces réunions d’équipe qui commencent par un temps de silence qui permet de se recentrer et de retrouver ses sources de motivation, je garde le souvenir des journées d’équipe qui permettent de discuter de moments difficiles et procurent un soutien spirituel. Je n’oublie pas le souci et la compréhension que les visiteurs arrivaient à trouver pour leur travail difficile parmi la petite équipe.

Il n’y a pas eu beaucoup de changements dans le système de détention des migrants. Les centres fermés sont encore toujours des établissements à caractère pénitentiaire où les personnes perdent leur liberté pour des raisons administratives sans avoir commis aucun crime. C’est un endroit sans véritables garanties pour prévenir l’arbitraire. Les centres fermés sont coûteux et inaptes à atteindre leur but : le retour de migrants sans séjour légal. Trop peu d’efforts sont encore faits pour trouver de réelles alternatives à la détention et c’est pourquoi la détention n’est pas ce qu’elle devrait être selon le droit européen : une mesure ultime. Les centres fermés sont une honte pour nous tous. Le JRS Belgium ressent cette honte. Voilà pourquoi il va encore et toujours là où personne d’autre ne veut aller. »

Jörg Gebhard,
directeur JRS Belgium